Kuessipan
Le livre que je vais vous présenter aujourd'hui sort un peu des sentiers battus. Cela fait bientôt 3 ans que je vis au Québec, et à plusieurs reprises je me suis rendue compte que je ne connaissais toujours pas (ou peu) sa culture. Peut-être ne m'y suis-je pas beaucoup intéressée non plus, trop plongée dans la grosse culture nord-américaine véhiculée par la télévision, ou trop préoccupée à me cantonner dans ma culture européenne pour ne pas avoir l'impression de perdre mes racines. Pourtant, le Québec est une région qui a beaucoup à offrir au niveau culturel et qui met beaucoup d'énergie à promouvoir ses artistes. C'est pourquoi j'essayerai, de temps en temps, de vous faire découvrir quelques fragments de cette culture québécoise, notamment à travers ses auteurs.
Récemment, je suis tombée sur un livre à la bibliothèque, dont le titre m'a interpellée : Kuessipan de Naomi Fontaine.
Résumé
Kuessipan. À toi
Kuessipan : mot innu signifiant à toi ou à ton tour. Ce sont des lieux, des visages connus et aimés. Des chasseurs nomades. Des pêcheurs nostalgiques. Des portraits. Des vies autour de la baie qui reflète les choses de la Terre. Les lièvres. La banique. Les rituels. Les tambours en peau de caribou qui font danser les femmes. Des enfants qui grandissent. Des vieux qui regardent passer le temps. Des saumons à pêcher. Des épinettes. Des barrières visibles et invisibles. Des plaisirs éphémères. De l’alcool qui éclate les cervelles. Des souvenirs. Des voyages en train. Et surtout l’évidence que la vie est cet ensemble de morceaux à emboîter pour que naisse la symphonie.
Kuessipan est un grand roman, de ceux que l’on relit pour faire partie des hommes et des femmes qui se battent tous les matins pour être sujets de leur propre histoire.
Mon avis
Kuessipan est davantage un récit qu'un roman. Construit sous forme de tableaux, il raconte ce qu'est la vie dans la réserve d'Uashat, village natal de l'auteure. A seulement 23 ans, Naomi Fontaine décrit ici une multitude de portraits avec une plume magnifique et un langage très poétique. Elle peint sans concession des scènes quotidiennes : à Uashat, la vie est dure, les gens espèrent, tentent de s'en sortir. On y trouve toutes sortes de personnes : les jeunes filles qui élèvent tant bien que mal leurs enfants en bas âge, les doyens du village pleins d'espoir, les chasseurs, les pêcheurs, les drogués, les alcooliques... On se retrouve dans un mariage, et on saute l'intant d'après dans une veillée mortuaire. Le récit est criant de vérité : à la lecture, j'ai pu ressentir le fardeau de cette communauté encore discriminée bien que n'étant pas issue de l'immigration mais bien née sur le sol canadien. Naomi Fontaine parvient cependant ici à illuminer avec tendresse le quotidien des Innus de son village. Grâce à son style épuré et ses phrases courtes, parfois presque télégraphiques, elle réussit à transmettre une multitude d'émotions à son lecteur. Le seul point négatif que j'ai trouvé à ce récit est que les scènes sautent parfois de l'une à l'autre sans aucune transition, je m'y suis perdue à quelques reprises. Kuessipan est un récit magnifique qui se termine avec une grande touche d'espoir à transmettre aux générations futures, et je vous encourage vivement à vous plonger dans le quotidien pas toujours rose de cette réserve amérindienne.