Fille noire, fille blanche
J'ai toujours un petit sentiment de fierté quand je réussis à finir un livre dont la chronique doit être publiée à une date précise, que ce soit pour les lectures communes ou pour les challenges ponctuels, parce que je m'y prends toujours au dernier moment et du coup j'ai toujours peur de ne pas réussir à respecter mes engagements à temps... Mais cette fois, j'ai réussi à honorer ma première participation au challenge "Un mot, des titres" de Calypso ! Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce challenge, chaque mois et demi, Calypso nous donne un mot tiré au sort parmi plusieurs propositions, et nous devons lire un ou plusieurs ouvrages dont le titre contient le mot choisi. Pour cette neuvième session, le mot à l'honneur était "fille", et j'ai lu Fille noire, fille blanche de Joyce Carol Oates.
Quatrième de couverture
Elles se rencontrent au coeur des années soixante-dix, camarades de chambre dans un collège prestigieux où elles entament leur cursus universitaire. Genna Meade, descendante du fondateur du collège, est la fille d'un couple très "radical chic", riche, vaguement hippie, opposant à la guerre du Vietnam et résolument à la marge. Minette Swift, fille de pasteur, est une boursière afro-américaine venue d'une école communale de Washington.
Nourrie de platitudes libérales, refusant l'idée même du privilège et rongée du culpabilité, Genna essaye sans relâche de se faire pardonner son éducation élitiste et se donne pour devoir de protéger Minette du harassement sournois des autres étudiantes. En sa compagne elle voit moins la personne que la figure symbolique d'une fille noire issue d'un milieu modeste et affrontant l'oppression. Et ce, malgré l'attitude singulièrement déplaisante d'une Minette impérieuse, sarcastique et animée d'un certain fanatisme religieux. La seule religion de Genna, c'est la piété bien intentionnée et, au bout du compte inefficace, des radicaux de l'époque. Ce qui la rend aveugle à la réalité jusqu'à la tragédie finale. Une tragédie que quinze ans - et des vies détruites - plus tard, elle tente de s'expliquer, offrant ainsi une peinture intime et douloureuse des tensions raciales de l'Amérique.
Mon avis
C'est ma deuxième expérience de lecture avec madame Oates, et je dois avouer qu'il va me falloir encore du temps avant de m'y adapter. Cette fois, on plonge au coeur de l'Amérique du milieu des années 70, où l'ombre de la ségrégation raciale est encore très menaçante. Genna et Minette, deux jeunes filles que tout oppose, l'une Blanche, l'autre Noire, se retrouvent camarades de chambres à l'université. Leur couleur de peau n'est pas la seule chose qui les différencie : elles ont un caractèretrès opposé. Tandis que Genna est attentive et sociable, Minette est plus renfermée et souvent arrogante. Très vite, plusieurs attaques à caractère raciste se tournent contre Minette, et Genna se donne pour mission de protéger sa colocataire, envers et contre tous, et de devenir son amie, ce qui n'est pas tâche facile à cause du caractère lunatique de Minette. Ce n'est pas un gros secret, puisqu'il est révélé dès les premières lignes du roman, mais Minette va mourir prématurément, et le récit est rétrospectif : quinze ans plus tard, Genna revient sur les évènements et nous livre la terrible vérité sur ce qui s'est réellement passé au Schuyler College. Mais le récit de Genna ne concerne pas seulement Minette, il concerne aussi un drame familial, le sien, qu'elle nous livre en toile de fond. Ainsi, le récit alterne entre sa difficulté à se rapprocher de Minette et ses relations houleuses avec sa famille.
Fille noire, fille blanche est un roman qui ne m'a pas déplu, mais dans lequel j'ai mis du temps à entrer. Le style de Joyce Carol Oates est indéniablement remarquable quoique particulier : j'ai retrouvé ces longues phrases interminables et cette narration parfois décousue. En effet, le récit est narré à la première personne, mais la troisième personne intervient parfois sans crier gare, si bien que j'ai eu quelques incompréhensions quant à la structure narrative. Genna parle-t-elle d'elle à la troisième personne, ou est-ce qu'un narrateur objectif intervient à certains moments de l'histoire ? J'ai tout de même réussi à m'attacher à l'un et à l'autre des personnages. On comprend la volonté de Genna de vouloir aider sa camarade de chambre et à la protéger coûte que coûte contre ces assauts répétés. On comprend aussi l'indifférence de Minette, bien qu'elle soit plus difficile à cerner et parfois à supporter. Par contre, le dénouement concerant l'histoire de Minette reste encore un peu flou, ses motivations quant à son geste sont, pour moi, difficiles à expliquer. Par contre, les tensions raciales qui régnaient à cette époque sont bien retranscrites, on a un point de vue intérieur, et j'ai apprécié le fait que le thème était bien traité. Je reste cependant un peu perplexe face à cette double intrigue, qui ne s'imbrique pas toujours correctement mais qui transmet bien l'ambiance qui pouvait régner à cette époque.
Session 9
Ronde de juin/juillet
Pour la prochaine session du challenge, le mot tiré au sort est "enfant", alors si vous souhaitez vous inscrire, rendez-vous par ICI ;)